
2025-10-01 07:32:23 - La tension reste forte à Madagascar, ce mardi 30 septembre. La dissolution du gouvernement par Andry Rajoelina, suite aux manifestations de la Gen Z, ne suffit pas à calmer la situation. A la base sociales, les revendications sont désormais plus politiques. Les manifestants exigent le départ du Président.
Après une journée très mouvementée lundi 29 septembre et la dissolution du gouvernement, les protestataires de la Gen Z descendent toujours par milliers dans les rues de la capitale malgache. Défilés dans les rues, usage de bombes lacrymogènes et affrontements entre manifestants et forces de l'ordre rythment encore le quotidien des habitants d'Antananarivo.
"Démissionnez ! Partez !"
"Dès qu'on bouge on est encerclés, dès qu'on parle on nous bâillonne, on va accepter ça encore combien d'années sans que rien ne change ? ", s'indigne un membre de la Gen Z.
Vous qui payez des gens pour qu'ils se rassemblent devant vous et disent Amen à tout ce que vous dites, ça ne marche plus ! Ce temps est révolu monsieur le Président ! Je vous le dit avec respect, si vous êtes sage et éduqué, démissionnez ! Partez ! Partez !
Une manifestante de la Gen Z
"Ça fait déjà plusieurs mois, nous ne sommes pas ici uniquement pour l'électricité, il y a aussi la corruption. On en a marre, il n'y a rien qui marche à Mada, pardonnez-moi pour l'expression mais tout est bordélique. Nous demandons au Président de démissionner d'ici 72 heures", s'énerve un autre membre de la Génération Z.
Il ne pense qu'à son intérêt, et à l'intérêt de sa famille ! Mais nous ici, c'est la famine qui nous tue !
Membre de la Gen Z
La Gen Z a aussi exigé des excuses publiques du Président et du Premier ministre, suite à la répression violente des manifestations ainsi que le limogeage du préfet qui avait interdit les manifestations. Ces demandes sont pour l'heure restées sans réponse.
Un mouvement sociopolitique
"C'est un mouvement social, les revendications sont sociales avant tout. Ce sont des droits fondamentaux : l'eau, l'électricité et les libertés publiques, explique Christiane Rafidinarivo, politologue chercheuse associée au Cevipof Sciences Po. Mais évidemment en analysant les causes de ces lacunes, on peut dire que c'est un mouvement sociopolitique aussi, dans le sens où il y a une protestation contre l'inaction ou les actions insatisfaisantes du gouvernement", ajoute-t-elle.
Au cœur des débats : Andry Rajoelina et son parcours atypique
Après le coup de tonnerre survenu ce lundi 29 septembre, Andry Rajoelina pourrait aujourd’hui être sur la sellette.
Celui qui a dominé la vie politique de Madagascar depuis plus de quinze ans avait d’abord commencé à se faire connaître en tant que DJ. Né en 1974 à Antsirabe, il commence sa carrière professionnelle comme DJ et propriétaire de discothèques à Antanarivo.
En parallèle, Andry Rajoelina lance plusieurs chaînes de télévision et de radio. Il est populaire, influent et ambitieux, c’est presque une suite logique quand il se lance en politique et remporte la mairie d’Antananarivo en 2007. Deux ans plus tard, à seulement 34 ans, il mène la contestation contre le président Marc Ravalomanana. Avec l’appui de l’armée, il prend le pouvoir en mars 2009 et devient président de la Transition. Tout va très vite pour Andry Rajoelina, d’où son surnom de TGV, mais ce coup de force est dénoncé par la communauté internationale.
"La population malgache est aujourd'hui entièrement dans la pauvreté"
En 2009, Andry Rajoelina prononce ces paroles qui trouvent un écho très particulier aujourd'hui. "Le pouvoir actuel ne voit que son intérêt personnel à travers l'achat d'avions qui coûtent plus de 60 millions de dollars or que plusieurs Malgaches ne mangent plus trois fois par jour aujourd'hui", avait-il dit.
C'est pour cette raison que le peuple se lève, c'est pour cette raison que le peuple crie, mais l'Etat n'écoute pas et utilise encore aujourd'hui la force avec les armes, les commandos, les militaires.
Andry Rajoelina en 2009
Mis à l’écart de la présidentielle de 2013, Andry Rajoelina se fait discret mais prépare son retour. En 2018, il retrouve son rival historique Marc Ravalomanana et l’emporte. Président élu, il promet modernisation et développement à la grande île avec stades, routes, logements sociaux, mais la pauvreté persiste.
Andry Rajoelina est réélu en 2023 malgré une opposition divisée. Mais la réélection du chef de l'Etat est entachée par une polémique : la révélation de sa double nationalité franco-malgache. Une affaire qui interroge sur sa légitimité constitutionnelle, réservée en principe aux seuls citoyens malgaches.
Son départ envisageable ?
"Dans l'histoire politique de Madagascar depuis l'indépendance, tous les gouvernements ont été confrontés à l'action de la rue, sauf deux d'entre eux, ce qui a conduit au départ du Président, donc ce risque-là n'est absolument pas exclu, pense Christiane Rafidinarivo. Les tensions sont si fortes aujourd'hui et les prises de position internationales le sont aussi, ce qui laisse très peu de marges de manœuvre au président de la République", achève la politologue.
MBS TV - Photo: Rijasolo Agence France-Presse
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