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Mali: discussions sur une transition de deux ans sous forte emprise militaire

2020-09-11 20:24:07 - Après le putsch, le Mali pourrait passer deux ans sous la conduite d'un président désigné par la junte, avant un retour des civils au pouvoir: telle est la proposition sur laquelle des centaines de responsables réunis à Bamako doivent à présent se prononcer.

Cette proposition émane d'un groupe d'experts nommés par les colonels qui ont renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août. La "charte de la transition" où elle figure instaurerait pendant deux ans un régime dans lequel les militaires seraient prépondérants.
 
Son contenu pourrait ne pas plaire à toute la communauté internationale, à commencer par les voisins du Mali au sein de la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao), qui réclament un retour des civils dans un an maximum, au terme d'une transition dirigée par des civils.
 
La Cédéao a donné à la junte jusqu'à mardi pour désigner un président et un Premier ministre civils. Elle a imposé au Mali un embargo sur les flux commerciaux et financiers.
 
La "charte" proposée est à présent entre les mains des centaines de personnalités politiques, syndicalistes, membres de la société civile et militaires rassemblés depuis jeudi pour s'entendre sur les termes de la "transition" promise par la junte et censée ramener les civils à la tête d'un pays communément décrit comme en voie de sombrer sous l'effet de la crise sécuritaire, politique et économique.
 
Ils devront surmonter des dissensions de plus en plus patentes, moins d'un mois après un putsch favorablement accueilli par des Maliens exaspérés devant la persistance des attaques jihadistes et des violences intercommunautaires et l'impuissance étatique dans tous les domaines.
 
Dans les différentes salles où se sont répartis les délégués, la "charte" proposée a suscité des débats passionnés et parfois tendus.
 
La junte n'a pas dit à qui il reviendrait d'en rédiger la version finale, si cette version ultime serait à nouveau soumise à une quelconque validation, ni même quand elle serait rendue publique.
 
Différents participants ont dit sous le couvert de l'anonymat s'attendre à ce que les colonels tranchent eux-mêmes sur la base d'une synthèse des débats des derniers jours. Le document ne serait publié qu'après la fin des travaux, prévue samedi, dans un délai non précisé, ont-ils dit.
 
La "charte", document le plus attendu de ces "journées de concertation nationale" ouvertes jeudi sous les vastes plafonds du Centre international de conférence de Bamako, met en place les organes transitoires comblant le vide actuel, avec un président renversé, un gouvernement vacant depuis des mois, une assemblée dissoute.
 
 
- "Ampleur des tâches" -
 
Le document de huit pages, élaboré par les experts nommés par la junte et supposés faire la synthèse de concertations antérieures, prévoit que le président de la transition, qui remplirait les fonctions de chef de l'Etat, soit "choisi par le Comité national pour le salut du peuple" (CNSP), autrement dit la junte. Ce serait "une personnalité civile ou militaire".
 
La même junte et "les forces vives de la Nation" proposeraient le nom du Premier ministre. Il serait nommé par le président. Un organe législatif serait instauré, le chef en serait un militaire.
 
Ces organes resteraient en place jusqu'à l'installation de nouvelles institutions à l'issue d'élections générales.
 
"Au regard de l'ampleur des tâches", de l'objectif fixé de "refondation de l'Etat", "de la complexité, de la gravité et de la profondeur" de la crise, "la durée de la transition est fixée (à) 24 mois", dit le document.
 
La durée de la transition, la provenance de ceux qui en auront la direction, conjuguées aux intérêts particuliers des uns et des autres en prévision de la répartition des postes, divisent de plus en plus ouvertement les forces maliennes.
 
Les partisans d'une transition longue confiée aux militaires arguent du temps et de l'autorité nécessaires pour créer les conditions d'un redressement dans un pays au bord du gouffre. Les autres invoquent au contraire le risque d'une instabilité encore accrue dans un Sahel déjà gagné par l'insécurité jihadiste, et le mauvais exemple régional donné par une junte maintenue durablement au pouvoir.
 
La junte a initialement parlé d'une transition de trois ans sous la conduite d'un militaire. Elle s'est heurtée au refus net de la Cédéao. La France, principal allié du Mali contre les jihadistes avec plus de 5.000 hommes déployés au Sahel, pousse aussi à aller vite et réclame également le retour à l'ordre civil.
 
sd-lal/sba
Photo: Michele Catanni
AFP

: Afrique Monde