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Mafia : Des Juges arrêtés au Portugal et en Italie à cause de l'argent sale du pétrole africain

2018-02-14 21:28:27 - Sur le continent africain, les affaires pétrolières ont toujours permis l'enrichissement personnel des dirigeants de ses Etats ainsi que la corruption des institutions et des acteurs politiques qui pouvaient les prévenir ; l'or noir devenant alors une véritable malédiction pour les populations… Les conséquences néfastes multiples vont, par exemple pour le Congo, du ciment de la dictature à l'extrême pauvreté d'une majorité de Congolais.

Jusqu'à maintenant, il était permis de penser que seuls les pays pétroliers africains pouvaient en être affectés ; leurs partenaires étant miraculeusement épargnés. Ce n'est plus le cas, nous venons de le voir avec les récentes dérives de l'affaire Asperbras-Veiga au Portugal : deux juges portugais, Rui Rangel et Fatima Galante, ont été convaincus de corruption avec ladite affaire et ont été suspendus à défaut, constitutionnellement, d'être incarcérés. L'Italie, dont nous connaissions également l'instruction d'une affaire de corruption en relation avec la compagnie pétrolière ENI au Nigéria, vient de suivre la même voie en révélant des arrestations de juges et d'avocats italiens impliqués dans celle-ci…

Incontestablement nous assistons à un tournant spectaculaire au sein de l'Europe, et qui mieux est dans sa partie méridionale, où l'on constate que le pétrole, extrait salement en Afrique, ne corrompt pas uniquement les potentats locaux mais également les intervenants européens de justice qui pourraient contrarier ce système de corruption généralisée, ou de lobbying intensif, qui a inondé durant des décennies des dirigeants politiques européens. Rien d'étonnant que des magistrats, sûrement pas les meilleurs, succombent à la tentation : des montagnes d'argent sont à la disposition des tenants de cette industrie, tant les kleptocrates (par exemple celui de Brazzavole, Denis Sassou Nguesso) que les compagnies qui opèrent chez eux !

Il apparaît clairement que le Parquet de Milan est maintenant TOTALement investi dans sa lutte contre le crime organisé en Italie ; et l'ensemble de la justice italienne s'est associé à ses efforts dans l'affaire ENI.

La police financière italienne a perquisitionné, mardi 6 février, les bureaux de Massimo Mantovani, ex-directeur du service juridique de l'ENI et aujourd'hui un des membres de sa direction. Les enquêteurs veulent vérifier si des prévenus ont cherché à lancer la justice italienne sur de fausses pistes afin d'épargner, le groupe ENI et son directeur général Claudio Descalzi, des accusations de corruption dans le cadre d'un contrat pétrolier au Nigeria.

Une quinzaine de personnes, dont des magistrats et des avocats, ont été arrêtées la semaine dernière en Italie et accusées d'avoir « ajusté » certains procès afin de favoriser leurs intérêts ou ceux de leurs clients, dont le groupe ENI.

Un des avocats de l'ENI, Piero Amara, figure parmi les personnes arrêtées dans le cadre de cette affaire. Il s'est agi précisément d'une opération conjointe entre les procureurs de Rome et de Messine (Sicile) qui ont conduit à ces arrestations pour « associations criminelles impliquées dans la fraude fiscale, les crimes contre l'administration publique et la corruption dans des actes judiciaires ». Dans un premier temps, Giancarlo Longo, ancien procureur de Syracuse, a été arrêté ainsi qu'un autre avocat de la même ville : Guiseppe Calafiore, que l'on croyait en fuite à Dubaï, s'est rendu à la Police de Catane à son arrivée le 10 février dernier. Deux autres procureurs, le procureur-adjoint Di Mauro et l'ancien procureur Musco, ont été depuis arrêtés également par le procureur de Messine.

L'ancien procureur de Syracuse, Longo, à l'invitation de l'avocat Amara, Conseil juridique extérieur d'ENI, avait déclenché une enquête, sans aucun fondement, et un « prétendu faux » destiné à déstabiliser la compagnie pétrolière italienne et son patron Claudio Descalzi. En fait, pour les enquêteurs qui ont arrêté Amara, le but aurait été d'entraver l'enquête milanaise sur les présumés pots-de-vin nigérians dans lesquels Descalzi était impliqué.

Selon l'agence de presse italienne ANSA,le procès de l'affaire de corruption impliquant Saipem, filiale d'ENI en Algérie, serait également concerné par ces arrestations qui pourraient aboutir à de nouvelles révélations.

ENI a confirmé dans un communiqué la perquisition dans les bureaux et au domicile de M. Mantovani, soulignant avoir « confiance dans l'honnêteté des actions menées par ses dirigeants dans le cadre de cette affaire« .

« ENI, qui ne fait pas l'objet d'une enquête, espère que la lumière se fera au plus vite sur les faits qui font l'objet de cette enquête », a ajouté le groupe dans ce communiqué.

Les compagnies pétrolières Eni et Shell comparaîtront à partir du 5 mars devant le tribunal de Milan, pour des soupçons de corruption lors de l'attribution d'un contrat concernant un bloc offshore au Nigeria.

Parmi les prévenus figurent l'actuel patron d'ENI, Claudio Descalzi, son prédécesseur, Paolo Scaroni, de même que d'autres dirigeants et cadres de Shell et du groupe italien, ainsi que l'ex-ministre nigérian du Pétrole, Dan Etete.

La justice italienne soupçonne le versement de pots-de-vin lors de l'attribution par le gouvernement nigérian à ENI et Shell d'un contrat de 1,3 milliard de dollars (1,1 milliard d'euros) pour la concession offshore OPL-245 en 2011.

Concernant les activités des pétroliers dans la très corrompue République du Congo, aucun fait de corruption avérée n'est actuellement sur la table d'un quelconque procureur français ou italien. Loin de là : il était même question du déplacement de l'avocat parisien Eric Dupont–Moretti pour voler au secours de la justice kafkaïenne du tyran de Brazzavole. Il est évident qu'à la chute du tyran des batteries complètes de casseroles sortiront des placards du clan Nguesso. C'est sûrement la raison pour laquelle le gang mafieux, qui se dissimule dans l'Etat failli du Congo-Brazzaville, reçoit chaque mois de ses partenaires pétroliers de quoi payer ses militaires, ses mercenaires et ses hommes de mains ; à la rigueur également quelques fonctionnaires …

Vingt années que ce petit manège perdure ! Des dizaines de milliards de dollars évaporés dans des dépenses folles et dans une corruption planétaire effrénée pour le maintien au pouvoir d'une marionnette sanguinaire.

Chute ou pas du tyran cerné de toutes parts et pris, à son propre piège, par ses anciens partisans contre lesquels il s'est retourné : les virus portugais et italien finiront bien par se répandre, en Suisse, aux Etats-Unis et pourquoi pas en France… L'interview récemment accordé au journal italien « La Repubblica » par l'ex-ministre des finances Jean-Luc Malekat intéresserait beaucoup le Parquet de Milan. Il nous faut y croire, n'en déplaise à tous les réseaux françafricains et aux Macroniens encore frileux : la vraie et bonne justice finira par triompher !

Par Rigobert Ossebi

: Afrique Monde